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12 novembre 2016 6 12 /11 /novembre /2016 08:45

La GACSA à la COP 22, quand le "Business as Usual" se cache sous les beaux principes

  • 10 NOV. 2016

 

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Dès le lancement du concept d’« agriculture intelligente face au climat » ou CSA (Climate Smart Agriculture) - et notamment après la création de son Alliance mondiale (la GACSA), divers acteurs et organisations ont exprimé leur rejet et leur désillusion vis à vis de cette initiative qui promeut un concept qui n'est que la validation du « Business as Usual ».

Que ce soit à cause d’un manque de mécanismes de redevabilité (IDDRI, 2015) ou d’un greenwashing généralisé (CIDSE, 2015) ou encore à cause de la promotion de pratiques qui ne n’ont en rien démontré leur « intelligence face au climat » (The Rules, 2015), ou encore du type d’acteur qui s’implique dans cette alliance, (GRAIN, 2015) les raisons de s’opposer à la GACSA sont nombreuses.

 

Coordination Sud s’est positionné sur la GACSA dès sa création en 2014 reflétant ainsi la position de bon nombre de ses membres, dont ACF (CSUD). Action Contre la Faim a renouvelé son opposition à cette alliance en 2015 (ACF) et en 2016 (ACF, CCFD). Pour les organisations françaises, la participation active de la France dans cette alliance est également dénoncée. Les principales doléances de la société civile sont le flou de la définition et en particulier, l’absence de critères d’exclusion sur les pratiques labélisées « CSA ». Enfin, le poids du secteur privé et le type d’intérêts qu’ils représentent dans une alliance dont les modalités de gouvernance restent floues, posent question.

 

En 2016 Action Contre la Faim a réalisé une étude plus poussée des membres de la GACSA. En apparence, seulement 17 des 148 membres font parties des industries des fertilisants[1], des biotechnologies et semences[2]  ou de l’agro-industrie[3].

 

Mais l’étude des partenaires des membres de la GACSA montre qu’en réalité 33 d’entre eux sont liés à ces secteurs. 41 % des entreprises privées membres de la GACSA ont pour partenaires principaux des industriels de ces secteurs (en tant que membres ou fondateurs) ou entretiennent des liens étroits avec certains d’entre eux. On voit ainsi apparaitre Monsanto, Pioneer-Dupont, BASF, McDonald, Cargill, pour ne citer que les plus connus, dans la sphère d’influence de la GACSA.  Il en va de même pour 40% des alliances et réseaux, 24% des associations à but non lucratif, qui sont parfois des organisations de promotion de ces industries ou qui les ont comme partenaires principaux, et 8% des centres de recherche.

Il est intéressant de noter que les organisations de producteurs agricoles représentent à peine 5% des membres de cette alliance. Auront-elles le même poids que les industriels pour faire entendre leurs voix et défendre leurs intérêts au sein de la GACSA ?

La GACSA se définie simplement comme une plateforme d’échanges et de promotion de « l’agriculture intelligente face au climat ». Pourtant, de nombreuses initiatives ou projets sont labélisés « CSA», comme si ces trois mots apportait un gage quelconque de qualité. On peut donc se demander quelle en quoi consiste le label « CSA » promu par la GACSA, quels critères, quelle prise de décision, quels mécanismes de redevabilité, quels objectifs ?

L’agriculture intelligente face au climat est utilisée pour définir un très large spectre de pratiques agricoles, de l’agriculture biologique à l’utilisation d’OGM en passant par l’agroécologie, l’agriculture de précision, l’absence de travail du sol associée au recours aux herbicides ou encore l’utilisation « efficiente » d’engrais chimiques. De fait, le nombre important des acteurs du secteur agro-industriel dans la GACSA pose la question de la valeur d’un tel label. En effet, Action contre la Faim et ses partenaires ont déjà montré que l’aide à l’implantation d’entreprises porteuses d’un système alimentaire basé sur l’agriculture intensive, hautement émettrice en gaz à effet de serre, a des effets délétères sur la sécurité alimentaire (ACF, CCFD et Oxfam, 2014). Cette nouvelle alliance, sans cadre et gouvernance clairs, offre-t-elle une nouvelle opportunité à ces mêmes parties prenantes de perpétuer un système alimentaire qui n’assure pas l’atteinte de la sécurité alimentaire, participe à plus d’un quart des émissions mondiales, réduit l’autonomie des paysans face aux intrants et aux semences, conduit à l’accaparement des terres et à la dégradation des sols ? La GACSA donne-t-elle simplement un alibi supplémentaire à ces intérêts privés ?

 

Cette année la COP 22 à Marrakech est présentée comme la COP de l'action, de l’adaptation, de l'agriculture et de l'Afrique. Compte tenu du rôle important de l'agriculture dans les émissions de gaz à effet de serre et du fait que l’agriculture paysanne à petite échelle produit 70 % de l’alimentation mondiale, voire plus de 80 % dans certaines régions subsahariennes, cette COP concentre de nombreux enjeux… Néanmoins, la participation active de la GACSA à la COP22, avec ses stands, ses conférences et autres évènements parallèles pourrait grandement atténuer la capacité de cette COP d’être réellement transformative en continuant à brouiller les pistes quant aux modèles agricoles réellement durables et adaptés aux changements climatiques. La transition vers l’agroécologie paysanne, l’agriculture utilisant et renforçant les écosystèmes et leurs services, est la seule voie pour permettre la sécurité alimentaire durable en répondant au double enjeu de l’adaptation et de l’atténuation du changement climatique.

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