Le problème n'est pas le nucléaire mais ce à quoi il sert. Alors que le débat sur la transition énergétique vient de s'ouvrir, Greenpeace va présenter vendredi son
propre scénario de sortie de l'atome. Un rapport très attendu d'autant que
l'organisation environnementale a refusé de participer à la concertation orchestrée
par la ministre de l'Écologie Delphine Batho. Le JDD en livre les grandes lignes.
Plutôt que de s'attaquer au remplacement du nucléaire, ce sont ses débouchés qui sont dans la ligne de mire de Greenpeace. Et de cibler le chauffage électrique, gros consommateur d'énergie. À eux seuls, les 9 millions de logements chauffés à l'électricité "pompent" 15 % de l'énergie produite par an. Et lorsque les 50 millions de chauffages électriques tournent à plein régime en hiver, comme en janvier 2012, ils captent jusqu'à 40% de la production, dont 78% provient du nucléaire. À titre de comparaison, il faut produire 2,5 fois plus d'électricité que de gaz pour la même quantité de chaleur. En les supprimant, la France pourrait économiser 50 % d'énergie à l'horizon 2050, selon le rapport.
Cette révolution devra s'accompagner d'une lourde rénovation thermique des logements pour mieux les isoler. Un chantier colossal de 750.000 habitations annuelles pendant
dix ans permettrait déjà de baisser la consommation de 20% d'ici à 2020.
"La moitié des maisons françaises sont des passoires énergétiques, explique Cyrille Cormier qui a piloté l'étude. En les isolant bien, on peut diviser par trois leur consommation." Les vagues de froid ont toujours permis de justifier le maintien du parc nucléaire et son renouvellement. Supprimer les radiateurs électriques est donc une condition à la sortie de l'atome selon Greenpeace. D'autant qu'ils coûtent cher à tous
les ménages (5 milliards d'euros par an) et chauffent mal : la déperdition de chaleur atteint 60% contre 5% pour le gaz. Pour les remplacer, Greenpeace propose d'installer des pompes à chaleur en grande partie, ainsi que des réseaux de chaleur au biogaz ou
à la biomasse qui ont l'avantage de consommer environ deux tiers de moins.
Ces nouveaux modes de chauffage se développent, ils sont souvent préférés dans les logements neufs.
La France compte environ 600.000 pompes à chaleur.
L'éolien moins cher que l'EPR
Dans son scénario de transition énergétique, l'ONG propose un deuxième pilier, l'automobile, qui semble plus réaliste que l'éradication du chauffage électrique.
En passant à la voiture électrique, les émissions de gaz à effet de serre seraient
réduites de 95% à l'horizon 2050. Un effet radical qui passe par une étape intermédiaire : le développement des moteurs hybrides. Le gouvernement a fixé un objectif de moteur basse consommation (2 l/100 km) d'ici à dix ans, que les industriels comme Total jugent possible avec des technologies hybrides. En revanche, Greenpeace
met en garde contre les bornes de recharge à domicile : "Attention à ne pas reproduire les mêmes effets que le chauffage électrique, notamment en alourdissant le réseau", prévient Cyrille Cormier. L'idée serait de mettre en place des "stations électriques"
pour changer de batterie. Un système de ce type est expérimenté au Danemark ou aux Pays-Bas par la société Better Place, un prestataire de services pour véhicules électriques.
Reste l'éternelle question du coût. Le nucléaire demeure le moyen de production le moins cher. Il y a un an, la Cour des comptes avait évalué à 50 € le prix du mégawatt issu du nucléaire actuel. Mais le renouvellement du parc risque de faire monter la facture. Greenpeace rappelle que l'électricité produite par une éolienne coûte 80 euros/MW contre 100 euros pour les derniers EPR dont les coûts ont dérapé. Et les marges de progression des énergies renouvelables sont importantes. Des associations fleurissent
un peu partout en France contre la défiguration du paysage par les éoliennes et les panneaux solaires. Mais grâce aux 50% d'économie d'énergie prévue dans le scénario
de l'organisation écologiste, il en faudrait moins. Selon ses calculs, les panneaux solaires nécessaires dans toute la France tiendraient sur une surface de "seulement" 100 km². Environ 20.000 éoliennes suffiraient, il en existe aujourd'hui 4.000. Un juste retour
aux sources puisque, il y a 200 ans, sous Napoléon, la France comptait 20.000 moulins.