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Alimentation : ces poulets qui donnent la chair de poule
Le poulet est aujourd'hui l'une des viandes préférée des Français, pour une raison simple : c'est la moins chère. Même si on trouve sur les étals des bouchers ou des grandes surfaces des poulets Label Rouge ou bio, vendus en moyenne autour de 7 euros le kilo, l'immense majorité des volailles consommées en France est commercialisée autour de 3 euros le kilo.
Quid de notre santé ?
Pour arriver à des prix aussi bas, l'élevage intensif du poulet a beaucoup évolué ces dernières années. Les associations de défense des animaux tirent fréquemment la sonnette d'alarme pour sensibiliser sur le mal-être des poules mais qu'en est-il de notre santé ? Les journalistes Yann Candelier et Dominique Mesmin ont enquêté pour l'émission Capital diffusée dimanche 6 avril sur M6.
Après un travail de plusieurs mois, ils ont fait des découvertes surprenantes qui pourraient un jour tourner au scandale sanitaire.
Que mange-t-on vraiment ? Quels sont les effets sur notre santé ?
Pourquoi les Américains, gros mangeurs de poulets industriels commencent à s'inquiéter ? Que faire pour éviter ça ?
Première caractéristique du poulet d'élevage industriel peu cher : il grandit plus vite que la normale, au moyen de manipulations génétiques.
Naissance du 'poulet à croissance rapide'
Après la Seconde Guerre mondiale, alors que la France cherche à rendre son agriculture plus productive, l'Etat français crée l'INRA, (Institut National de la Recherche agronomique) qui invente le poulet 'vedette' ou 'poulet à croissance rapide'.
Des poulets transformés
Riche en viande, cette poule a la particularité d'être quatre fois plus grosse qu'une pondeuse ordinaire, en 50 jours de vie.
Aujourd'hui, dans les laboratoires de l'INRA, on cherche encore à le modifier :
pour que la couleur de sa viande soit plus attrayante, que sa texture soit plus fondante, ou qu'il soit moins cher à nourrir. Pour économiser sur le prix de son alimentation, les chercheurs tentent par exemple de lui faire préférer le colza au soja.
A priori, ce n'est qu'une question de temps...
Dans les élevages industriels, 17 à 22 poulets peuvent être entassés dans 1 seul mètre carré. Les bâtiments des plus gros éleveurs peuvent contenir plusieurs dizaines de milliers de poulets d'une durée de vie d'un peu plus d'un mois.
Ces volailles ne voient jamais la lumière du jour. Sans espace ni effort à faire pour se nourrir, elles ne dépensent aucune calorie, et grossissent donc plus vite. Tout est millimétré. En 40 jours, le poulet doit peser 2,5 kg.
Evidemment, question bien-être des volailles, cela fait froid dans le dos. Et question hygiène et propagation des bactéries, c'est aussi problématique...
Ces conditions d'élevage qui favorisent une promiscuité extrême des volailles ont un gros inconvénient : les bactéries. Elles s'y développent déjà plus qu'ailleurs car la litière est sale plus rapidement mais en plus, elles se propagent à vitesse grand V. C'est le cauchemar des éleveurs. Du coup, ils n'hésitent pas à traiter l'ensemble de leurs poules même si une seule présente des symptômes. Par prévention.
Un éleveur témoigne des dérives
Sous couvert d'anonymat, un éleveur a confié aux équipes de Capital être obligé d'administrer de grosses doses d'antibiotiques à ses poulets pour éviter les pertes :
'on peut avoir de la mortalité jusqu'à 100 150 par jours, dans ce cas-là,
c'est le bénéfice qui part', se justifie-t-il.
En consultant son registre, il prend l'exemple d'un lot de poussins, qu'il a traités au quatrième jour de leur arrivée parce qu'il y a avait de la « mortalité », puis dix jours après pour des diarrhées... Au total, ses poulets auront reçu quatre antibiotiques différents pendant une durée de 17 jours sur leurs 41 jours de vie.
'On a même déjà vu des lots pires que ça où ils sont quasiment tous les jours aux antibios', confie l'homme, éleveur depuis une dizaine d'années.
A force d'arroser les élevages français d'antibiotiques, les bactéries développent des résistances, ce qui peut avoir des conséquences sur la santé humaine.
Un 'problème alarmant'
A Paris, l'hôpital Bichat est spécialisé dans le traitement des personnes atteintes par
des bactéries résistantes aux antibiotiques. Le constat est alarmant : 'nous avons en permanence, sur un service de 20 lits, 1, 2 ou 3 patients infectés par ces bactéries résistantes, chose que nous ne voyions pas il y a un certain nombre d'années', témoigne Michel Wolff, responsable du service. 'Le problème alarmant, c'est qu'on commence à avoir des bactéries résistantes à ce qui sont quasiment les derniers antibiotiques que
nous avons, et dans ce cas-là, on n'a plus rien. Le risque est là et c'est quand même un risque majeur', avertit ce professeur reconnu.
La France n'est bien sûr pas un cas isolé en la matière. Selon une récente étude,
on estime que 1.500 personnes seraient déjà mortes en Europe cause d'une bactérie résistante transmise lors de la consommation de poulet.
Plus de 2 millions d'Américains touchés par des bactéries résistantes
Aux Etats-Unis aussi, les antibiotiques dans la chaîne alimentaire sont source de préoccupation. L'organisme de santé américain, le CDC (Center for Diseases Control) estime que plus de 2 millions d'Américains sont touchés chaque année par une pathologie due à une infection résistante aux antibiotiques.
23.000 en meurent, c'est autant que le nombre de victimes par armes à feu outre-Atlantique.
En France, un plan visant à réduire de 25% en 5 ans la distribution des antibiotiques
en élevages vient d'être mis en place.
Concrètement, lorsqu'on achète du poulet premier prix en grande surface, il y a des risques pour que cette volaille possède une bactérie résistante. Une récente enquête menée par UFC Que Choisir a révélé que 26% des poulets vendus possédaient
la bactérie E.coli, en faible quantité certes, mais tout de même.
Des bactéries transmissibles à l'homme
Or, ces bactéries sont transmissibles aux humains lorsqu'on manipule le poulet cru.
Gros mangeurs de poulets, les Américains sont conscients de ce problème et des campagnes de prévention, pour apprendre aux consommateurs à se préserver des bactéries transmises par le poulet cru, ont été diffusées sur les radios et dans des reportages télévisés. En France, rien de tout cela pour le moment.
Pour adopter de bonnes pratiques lors de la préparation de votre poulet, voici quelques conseils:
- Lorsque vous rentrez chez vous avec votre poulet, retirez-le de l'emballage et placez-le dans une boite hermétique, surtout si vous voyez du jus dans la barquette
- Sortez-le du frigo à la dernière minute
- Ne le passez pas sous l'eau, cela a pour effet de projeter les bactéries éventuelles
dans l'ensemble de votre cuisine !
- Utilisez des ustensiles différents pour découper votre poulet et tout autre aliment
- Nettoyez-vous bien les mains après avoir manipulé la viande crue
- Faites bien cuire votre poulet. Sa température intérieure doit être de 75°C en fin
de cuisson, mesurable avec un thermomètre de cuisine
- Ne conservez pas votre poulet frais plus de deux jours dans le frigo, sinon congelez-le.
Autre révélation de cette enquête : les nuggets, saucisses, cordons bleus et autres préparations à base de volailles sont parfois truffés de résidus d'os et de cartilage.
Pour être vendus au meilleur prix, ces plats préparés sont souvent préparés à base de carcasses cédées pour presque rien aux industriels. Elles passent ensuite dans une machine qui détache mécaniquement les petits morceaux de viande attachés aux os
qui sont ensuite broyés. Le problème : ce mode d'extraction mécanique n'est pas assez précis pour éviter une pollution avec des morceaux d'os.
Conscientes de ce problème, les autorités sanitaires imposent aux industriels de préciser sur les emballages de plats préparés si la viande a été extraite mécaniquement.
Pour éviter tous ces soucis, une seule solution : payer plus cher en privilégiant le poulet bio ou Label Rouge. Mieux vaut consommer moins de poulet et privilégier la qualité.
Le bio assure une vraie garantie pour la santé du consommateur comme pour la préservation de l'environnement. Le Label Rouge, en offrant plus d'espace à ses poules,
a clairement beaucoup moins de problèmes de maladies et donc moins recours aux antibiotiques que l'élevage intensif.