par Christophe Noisette
Les Faucheurs volontaires mènent une action globale, cohérente, depuis près de 15 ans. L’opposition des Faucheurs volontaires aux plantes génétiquement modifiées (PGM) ne se limite pas à la destruction des cultures. Certes, ce mouvement a détruit des parcelles de plantes transgéniques et mutées, mais il a aussi questionné les importations de soja génétiquement modifié dans les ports français, la pertinence de développer des variétés mutées tolérantes aux herbicides (VrTH) ou les choix de la recherche tant privée que publique en matière de développement agricole. La dernière action a eu lieu le 28 novembre 2016 en Côte d’Or : destruction de trois parcelles de colza génétiquement modifié par mutagénèse pour tolérer des herbicides.
Plantes mutées ou VrTH
Genius : une recherche contestée
Importation de soja OGM
28 novembre 2016, à Longvic, près de Dijon (Côte d’Or), 70 Faucheurs Volontaires ont « neutralisé » trois parcelles de colza rendu tolérant à des herbicides (VrTH) par mutagénèse. Ces essais étaient menés par le groupe agricole et agroalimentaire de Bourgogne Franche-Comté, Dijon Céréales [1]. Les Faucheurs ont ensuite livré quelques plants arrachés au siège de Dijon Céréales qui conteste la nature "OGM" de ce colza muté alors que la directive 2001/18 considère cette technique comme OGM mais l’exclut du champ d’application. La Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) 21 et les Jeunes agriculteurs (JA) 21 ont immédiatement réagi : « Alors que la situation économique des agriculteurs côte d’oriens est catastrophique, il est inacceptable que des individus, ne représentant qu’eux-mêmes, se permettent de tels actes de vandalisme, qui constituent une véritable atteinte à la propriété privée. (…) Ces parcelles d’essais permettent de progresser dans la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ». La meilleure façon de réduire les herbicides est-elle de créer des variétés spécifiquement conçues pour les « tolérer » » ? L’agriculture, estiment les Faucheurs, peut se passer entièrement de ces produits toxiques.
Les actions de désobéissance civile menées par les Faucheurs volontaires pour dénoncer les tournesols ou colzas, issus d’une mutagénèse pour les rendre tolérant aux herbicides, restent d’actualité. Pour ces opposants, ces « OGM cachés » présentent exactement les mêmes inconvénients et faiblesses que les plantes transgéniques.
Si la technique d’intervention sur le génome change, l’objectif, lui – rendre des plantes tolérantes à des herbicides – est identique. Or, estiment les opposants, cet objectif n’est pas pertinent dans un contexte agronomique et social de réduction des intrants chimiques. Ce que contredit le Centre technique interprofessionnel des oléagineux et du chanvre (Cetiom) : dans son communiqué de presse, il affirme en effet que « les expérimentations détruites entrent pleinement dans les objectifs du plan Ecophyto qui vise à réduire et raisonner le recours aux produits phytosanitaires. Ainsi, ces essais permettaient aussi de tester de nouvelles techniques de contrôle des mauvaises herbes avec l’introduction de solutions de désherbage mécanique ». André Merrien, directeur des études et recherches au Cetiom, affirme que ces colzas mutés permettent de diviser par dix les quantités d’herbicides utilisées.
Il est toujours curieux de voir que les mêmes arguments sont utilisés pour justifier chaque nouvelle « innovation technologique ». Les plantes génétiquement modifiées (PGM) transgéniques tolérant le Roundup étaient, elles aussi, censées réduire l’usage des pulvérisations. La réalité sur le continent américain est toute autre : la quantité d’herbicides pulvérisée n’a cessé d’augmenter, tout comme le nombre d’adventices ayant acquis la « tolérance » au glyphosate.
« Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ». Céline Imart, jeune agricultrice qui, dans une conférence filmée, prétend démonter les idées reçues sur l’agriculture, ne procède pas différemment par rapport à l’action des Faucheurs volontaires. Cette dernière affirme avec aplomb, quoique dans un français approximatif, que « les Faucheurs, ils le savent très bien - s’ils ne le savent pas c’est dramatique - que pour empêcher les OGM en France c’est pas de faucher des parcelles de la recherche publique qu’il faudrait faire mais plutôt d’aller bloquer les ports ». Soit c’est elle qui ne le sait pas très bien et alors c’est grave de parler en public de choses qu’on ne maîtrise pas, soit elle organise, à dessein, la confusion. En effet, l’action des Faucheurs volontaires est cohérente : elle vise autant les cultures, les importations que la gouvernance de la recherche publique.
2 août 2016, à Elne, près de Perpignan (Pyrénées orientales), des Faucheurs volontaires ont détruit trois hectares de tournesol rendu tolérant à un herbicide par mutagénèse (VrTH). « Depuis 2013, l’entreprise Nidera loue des terres aux agriculteurs pour y cultiver des semences de tournesols (...). Dès le printemps 2013, différentes entités opposées aux VrTH ont alerté les autorités sur la caractère nocif de ces cultures : réunions avec la Chambre d’Agriculture, le GNIS, le Conseil Général, les responsables locaux de Nidera. La population a été invitée à manifester son opposition, en plantant des graines de tournesols bio : 3000 sachets de graines ont été distribués. Malgré cela, les Faucheurs Volontaires constatent la persistance de cultures de semences de tournesols, dans l’opacité la plus totale », peut-on lire dans le communiqué de presse des Faucheurs volontaires.
Le 4 avril 2015, à la Pouëze (entre Angers et Segré), dans le Maine-et-Loire, des Faucheurs volontaires ont détruit une parcelle d’un hectare d’essais de colza rendu tolérant à un herbicide par mutagenèse, parcelle utilisée par le Groupe d’Étude et de contrôle des Variétés et des Semences (GEVES) qui est en charge de l’inscription au catalogue des nouvelles variétés commerciales.
En juillet 2014, à Longvic, en Côte d’Or, une vingtaine de Faucheurs volontaires se sont rendus sur le site de Dijon Céréales pour dénoncer l’utilisation d’un colza muté rendu tolérant à un herbicide. Le colza Clearfield a été ensemencé sur une cinquantaine d’hectares chez Dijon Céréales, précise la coopérative. Pour elle, ce colza muté répond « à des problématiques bien particulières, à savoir le développement des adventices difficiles voire impossibles à contrôler avec les moyens de lutte actuels. Ces impasses techniques auraient fini par avoir pour conséquence de limiter la culture du colza. » Ce discours ne convainc ni les Faucheurs ni les agriculteurs biologiques qui, eux, souhaitent cultiver sans intrants chimiques et considèrent que d’autres pratiques agronomiques permettent d’obtenir des résultats similaires. Le Cetiom lui-même le reconnaît : Gilles Sauzet explique sur le site Agriculture de conservation [2] que le semis direct permet de réduire la présence d’adventices. Il ajoute que dans certains cas, « sur ces grandes parcelles, on fait du colza sans désherbage depuis trois ans, avec un potentiel au moins égal... C’est fiable dans la mesure où l’on implante tôt en semis direct à très faible vitesse ».
Le même jour, des membres de la Confédération paysanne, du Groupement d’agriculture biologique 49 et du Civam s’étaient réunis devant les locaux de la coopérative agricole de Pays de Loire (CAPL), à Thouarcé, dans le Maine-et-Loire : ils contestaient la présence dans le catalogue de la coopérative d’un colza muté rendu tolérant aux herbicides, le colza Veritas CL, un OGM caché... Porte-parole des manifestants, Julien Rousselot a voulu souligner que la coopérative « a un rôle d’informations à jouer auprès de ses adhérents, en tant qu’acteur de la filière ». Ainsi, les militants demandent que soit organisé un débat entre tous les adhérents de la coopérative.
En juin 2014, en Haute Garonne, sur la commune d’Ox, des militants avaient prévu de manifester contre des parcelles de démonstration de colza Clearfield. Mais l’action a été avortée à cause de la présence des gendarmes. Quelques militants de la FDSEA étaient aussi présents, ce qui a entraîné une joute verbale sans surprise entre les deux camps : d’un côté, les plantes mutées sont une « fuite en avant scientiste » qui ne permettront pas de relever les défis alimentaires ; de l’autre, sans « ces semences à la pointe du progrès », l’agriculture française va perdre en compétitivité et « ce seront les agriculteurs américains ou asiatiques qui deviendront les maîtres de la nourriture mondiale ».
Mais les Faucheurs n’avaient pas dit leur dernier mot. Le dimanche 15 juin, ils sont retournés à Ox et ont « neutralisé neuf parcelles de Colza Génétiquement Modifié pour résister en post-levée à des herbicides habituellement utilisés sur céréales ». Ils continuent de réclamer que « ces OGM cachés soient traités avec les mêmes obligations que ceux issus de la transgenèse ». Ils appellent "les agriculteurs à ne pas céder aux mirages scientistes qui ne tiennent aucun compte de la capacité de réaction de la nature à s’adapter en développant systématiquement des résistances aux pesticides (herbicides, fongicides, insecticides, antibiotiques …) ». Pour les Faucheurs, « seules de bonnes pratiques agronomiques peuvent maintenir à un niveau acceptable les adventices et ravageurs sur le long terme ».
Dialogue de sourds : le 30 juin 2014, le ministre de l’Agriculture, Stéphane le Foll, a encore précisé sur RTL qu’ « il n’y a pas d’OGM cachés : ce sont des mutations de gènes sans qu’il y ait de gènes rapportés ». Pas d’apport de gènes, tous en conviennent, mais "OGM cachés", car c’est la directive européenne 2001/18 elle-même qui stipule que la mutagénèse produit des OGM.
Dans la nuit du 19 au 20 mai 2014, à Savarit près de Surgères, en Charente Maritime, c’est un peu plus d’un hectare de colzas mutés qui a été détruit. Il s’agissait d’une autre plateforme d’essais menée par le Cetiom qui devait, le 20 mai, organiser une visite de terrain. Dans son communiqué [3], le Cetiom souligne que ces essais s’inscrivent « dans l’agro-écologie » : « en associant au colza des couverts de légumineuses, le Cetiom cherchait à limiter l’impact des aléas climatiques (…) et réduire l’utilisation de pesticides ». Ainsi, poursuit-il, la mutagenèse « bénéficie (...) aussi bien à l’agriculture biologique que conventionnelle ». Cette communication est choquante : l’agriculture biologique interdit l’usage des herbicides de synthèse. Or ces colzas ont été génétiquement mutés afin, précisément, de tolérer ces herbicides interdits. Et si les associations de culture et les semis sous couvert sont en effet des solutions techniques intéressantes, elles n’imposent aucunement l’utilisation d’herbicides, comme l’a montré le Cetiom lui-même [4].
Le 3 avril, à Angoulême, en Charente, le « Collectif vigilance OGM et pesticide » et la Confédération paysanne ont manifesté, avec des bouquets à la main, devant les locaux de la Direction départementale du Territoire (DDT) pour dénoncer les cultures de colza génétiquement modifié par mutagénèse. Les manifestants ont demandé à son directeur de faire remonter leurs revendications aux ministères de l’Agriculture et de l’Environnement. La culture du colza muté est considérée légalement comme une culture conventionnelle : donc aucune évaluation, déclaration ou étiquetage ne sont prévus. Le collectif estime à 17 000 le nombre d’hectares cultivés en France en 2014. Le colza est une plante qui possède de nombreux cousins, sauvages ou cultivés, comme la moutarde ou les navets. Les risques de croisements, et donc de dissémination de la « tolérance » aux herbicides, sont grands. « Ce serait une catastrophe écologique » affirment les manifestants.
Le 2 avril 2014, à Fontenoy-sur-Moselle, en Meurthe et Moselle [5], les Faucheurs Volontaires ont « neutralisé » une plate-forme d’essais de colzas tolérant des herbicides. Pour eux, le Cetiom cherchait, avec ces essais en champs, à « vulgariser » cette technique auprès des agriculteurs. Le Cétiom a qualifié cet acte « d’aveugle, incompréhensible et inacceptable ». Le Cétiom affirme : « Cette technique bénéficie pourtant aussi bien à l’agriculture biologique que conventionnelle. Elle est utilisée depuis plus de 50 ans et a été largement développée par la recherche publique comme l’Inra ». Si la technique est effectivement vieille de 50 ans, les VrTH n’ont été cultivées massivement à grande échelle que depuis peu.
Le Cetiom a porté plainte et une première personne a été interrogée par la Gendarmerie. Traditionnellement, les Faucheurs remettent aux gendarmes la liste des participants. Ils avaient omis de le faire pour cette action. Le Cetiom a alors gentiment demandé cette liste et le 9 janvier 2016, une liste d’une cinquantaine de personnes a été remise à la gendarmerie de Vienne (Isère). Les Faucheurs en ont profité pour, à nouveau, souligner que les nouvelles techniques de modification du vivant « risquent de ne pas être reconnues comme produisant des OGM par la Commission européenne qui doit leur donner sur un statut juridique dans les mois qui viennent », selon Annick Bossu, citée par Reporterre [6].
Plantes mutées ou VrTH
Genius : une recherche contestée
Importation de soja OGM
28 novembre 2016, à Longvic, près de Dijon (Côte d’Or), 70 Faucheurs Volontaires ont « neutralisé » trois parcelles de colza rendu tolérant à des herbicides (VrTH) par mutagénèse. Ces essais étaient menés par le groupe agricole et agroalimentaire de Bourgogne Franche-Comté, Dijon Céréales [1]. Les Faucheurs ont ensuite livré quelques plants arrachés au siège de Dijon Céréales qui conteste la nature "OGM" de ce colza muté alors que la directive 2001/18 considère cette technique comme OGM mais l’exclut du champ d’application. La Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) 21 et les Jeunes agriculteurs (JA) 21 ont immédiatement réagi : « Alors que la situation économique des agriculteurs côte d’oriens est catastrophique, il est inacceptable que des individus, ne représentant qu’eux-mêmes, se permettent de tels actes de vandalisme, qui constituent une véritable atteinte à la propriété privée. (…) Ces parcelles d’essais permettent de progresser dans la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ». La meilleure façon de réduire les herbicides est-elle de créer des variétés spécifiquement conçues pour les « tolérer » » ? L’agriculture, estiment les Faucheurs, peut se passer entièrement de ces produits toxiques.
Les actions de désobéissance civile menées par les Faucheurs volontaires pour dénoncer les tournesols ou colzas, issus d’une mutagénèse pour les rendre tolérant aux herbicides, restent d’actualité. Pour ces opposants, ces « OGM cachés » présentent exactement les mêmes inconvénients et faiblesses que les plantes transgéniques.
Si la technique d’intervention sur le génome change, l’objectif, lui – rendre des plantes tolérantes à des herbicides – est identique. Or, estiment les opposants, cet objectif n’est pas pertinent dans un contexte agronomique et social de réduction des intrants chimiques. Ce que contredit le Centre technique interprofessionnel des oléagineux et du chanvre (Cetiom) : dans son communiqué de presse, il affirme en effet que « les expérimentations détruites entrent pleinement dans les objectifs du plan Ecophyto qui vise à réduire et raisonner le recours aux produits phytosanitaires. Ainsi, ces essais permettaient aussi de tester de nouvelles techniques de contrôle des mauvaises herbes avec l’introduction de solutions de désherbage mécanique ». André Merrien, directeur des études et recherches au Cetiom, affirme que ces colzas mutés permettent de diviser par dix les quantités d’herbicides utilisées.
Il est toujours curieux de voir que les mêmes arguments sont utilisés pour justifier chaque nouvelle « innovation technologique ». Les plantes génétiquement modifiées (PGM) transgéniques tolérant le Roundup étaient, elles aussi, censées réduire l’usage des pulvérisations. La réalité sur le continent américain est toute autre : la quantité d’herbicides pulvérisée n’a cessé d’augmenter, tout comme le nombre d’adventices ayant acquis la « tolérance » au glyphosate.
« Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ». Céline Imart, jeune agricultrice qui, dans une conférence filmée, prétend démonter les idées reçues sur l’agriculture, ne procède pas différemment par rapport à l’action des Faucheurs volontaires. Cette dernière affirme avec aplomb, quoique dans un français approximatif, que « les Faucheurs, ils le savent très bien - s’ils ne le savent pas c’est dramatique - que pour empêcher les OGM en France c’est pas de faucher des parcelles de la recherche publique qu’il faudrait faire mais plutôt d’aller bloquer les ports ». Soit c’est elle qui ne le sait pas très bien et alors c’est grave de parler en public de choses qu’on ne maîtrise pas, soit elle organise, à dessein, la confusion. En effet, l’action des Faucheurs volontaires est cohérente : elle vise autant les cultures, les importations que la gouvernance de la recherche publique.
2 août 2016, à Elne, près de Perpignan (Pyrénées orientales), des Faucheurs volontaires ont détruit trois hectares de tournesol rendu tolérant à un herbicide par mutagénèse (VrTH). « Depuis 2013, l’entreprise Nidera loue des terres aux agriculteurs pour y cultiver des semences de tournesols (...). Dès le printemps 2013, différentes entités opposées aux VrTH ont alerté les autorités sur la caractère nocif de ces cultures : réunions avec la Chambre d’Agriculture, le GNIS, le Conseil Général, les responsables locaux de Nidera. La population a été invitée à manifester son opposition, en plantant des graines de tournesols bio : 3000 sachets de graines ont été distribués. Malgré cela, les Faucheurs Volontaires constatent la persistance de cultures de semences de tournesols, dans l’opacité la plus totale », peut-on lire dans le communiqué de presse des Faucheurs volontaires.
Le 4 avril 2015, à la Pouëze (entre Angers et Segré), dans le Maine-et-Loire, des Faucheurs volontaires ont détruit une parcelle d’un hectare d’essais de colza rendu tolérant à un herbicide par mutagenèse, parcelle utilisée par le Groupe d’Étude et de contrôle des Variétés et des Semences (GEVES) qui est en charge de l’inscription au catalogue des nouvelles variétés commerciales.
En juillet 2014, à Longvic, en Côte d’Or, une vingtaine de Faucheurs volontaires se sont rendus sur le site de Dijon Céréales pour dénoncer l’utilisation d’un colza muté rendu tolérant à un herbicide. Le colza Clearfield a été ensemencé sur une cinquantaine d’hectares chez Dijon Céréales, précise la coopérative. Pour elle, ce colza muté répond « à des problématiques bien particulières, à savoir le développement des adventices difficiles voire impossibles à contrôler avec les moyens de lutte actuels. Ces impasses techniques auraient fini par avoir pour conséquence de limiter la culture du colza. » Ce discours ne convainc ni les Faucheurs ni les agriculteurs biologiques qui, eux, souhaitent cultiver sans intrants chimiques et considèrent que d’autres pratiques agronomiques permettent d’obtenir des résultats similaires. Le Cetiom lui-même le reconnaît : Gilles Sauzet explique sur le site Agriculture de conservation [2] que le semis direct permet de réduire la présence d’adventices. Il ajoute que dans certains cas, « sur ces grandes parcelles, on fait du colza sans désherbage depuis trois ans, avec un potentiel au moins égal... C’est fiable dans la mesure où l’on implante tôt en semis direct à très faible vitesse ».
Le même jour, des membres de la Confédération paysanne, du Groupement d’agriculture biologique 49 et du Civam s’étaient réunis devant les locaux de la coopérative agricole de Pays de Loire (CAPL), à Thouarcé, dans le Maine-et-Loire : ils contestaient la présence dans le catalogue de la coopérative d’un colza muté rendu tolérant aux herbicides, le colza Veritas CL, un OGM caché... Porte-parole des manifestants, Julien Rousselot a voulu souligner que la coopérative « a un rôle d’informations à jouer auprès de ses adhérents, en tant qu’acteur de la filière ». Ainsi, les militants demandent que soit organisé un débat entre tous les adhérents de la coopérative.
En juin 2014, en Haute Garonne, sur la commune d’Ox, des militants avaient prévu de manifester contre des parcelles de démonstration de colza Clearfield. Mais l’action a été avortée à cause de la présence des gendarmes. Quelques militants de la FDSEA étaient aussi présents, ce qui a entraîné une joute verbale sans surprise entre les deux camps : d’un côté, les plantes mutées sont une « fuite en avant scientiste » qui ne permettront pas de relever les défis alimentaires ; de l’autre, sans « ces semences à la pointe du progrès », l’agriculture française va perdre en compétitivité et « ce seront les agriculteurs américains ou asiatiques qui deviendront les maîtres de la nourriture mondiale ».
Mais les Faucheurs n’avaient pas dit leur dernier mot. Le dimanche 15 juin, ils sont retournés à Ox et ont « neutralisé neuf parcelles de Colza Génétiquement Modifié pour résister en post-levée à des herbicides habituellement utilisés sur céréales ». Ils continuent de réclamer que « ces OGM cachés soient traités avec les mêmes obligations que ceux issus de la transgenèse ». Ils appellent "les agriculteurs à ne pas céder aux mirages scientistes qui ne tiennent aucun compte de la capacité de réaction de la nature à s’adapter en développant systématiquement des résistances aux pesticides (herbicides, fongicides, insecticides, antibiotiques …) ». Pour les Faucheurs, « seules de bonnes pratiques agronomiques peuvent maintenir à un niveau acceptable les adventices et ravageurs sur le long terme ».
Dialogue de sourds : le 30 juin 2014, le ministre de l’Agriculture, Stéphane le Foll, a encore précisé sur RTL qu’ « il n’y a pas d’OGM cachés : ce sont des mutations de gènes sans qu’il y ait de gènes rapportés ». Pas d’apport de gènes, tous en conviennent, mais "OGM cachés", car c’est la directive européenne 2001/18 elle-même qui stipule que la mutagénèse produit des OGM.
Dans la nuit du 19 au 20 mai 2014, à Savarit près de Surgères, en Charente Maritime, c’est un peu plus d’un hectare de colzas mutés qui a été détruit. Il s’agissait d’une autre plateforme d’essais menée par le Cetiom qui devait, le 20 mai, organiser une visite de terrain. Dans son communiqué [3], le Cetiom souligne que ces essais s’inscrivent « dans l’agro-écologie » : « en associant au colza des couverts de légumineuses, le Cetiom cherchait à limiter l’impact des aléas climatiques (…) et réduire l’utilisation de pesticides ». Ainsi, poursuit-il, la mutagenèse « bénéficie (...) aussi bien à l’agriculture biologique que conventionnelle ». Cette communication est choquante : l’agriculture biologique interdit l’usage des herbicides de synthèse. Or ces colzas ont été génétiquement mutés afin, précisément, de tolérer ces herbicides interdits. Et si les associations de culture et les semis sous couvert sont en effet des solutions techniques intéressantes, elles n’imposent aucunement l’utilisation d’herbicides, comme l’a montré le Cetiom lui-même [4].
Le 3 avril, à Angoulême, en Charente, le « Collectif vigilance OGM et pesticide » et la Confédération paysanne ont manifesté, avec des bouquets à la main, devant les locaux de la Direction départementale du Territoire (DDT) pour dénoncer les cultures de colza génétiquement modifié par mutagénèse. Les manifestants ont demandé à son directeur de faire remonter leurs revendications aux ministères de l’Agriculture et de l’Environnement. La culture du colza muté est considérée légalement comme une culture conventionnelle : donc aucune évaluation, déclaration ou étiquetage ne sont prévus. Le collectif estime à 17 000 le nombre d’hectares cultivés en France en 2014. Le colza est une plante qui possède de nombreux cousins, sauvages ou cultivés, comme la moutarde ou les navets. Les risques de croisements, et donc de dissémination de la « tolérance » aux herbicides, sont grands. « Ce serait une catastrophe écologique » affirment les manifestants.
Le 2 avril 2014, à Fontenoy-sur-Moselle, en Meurthe et Moselle [5], les Faucheurs Volontaires ont « neutralisé » une plate-forme d’essais de colzas tolérant des herbicides. Pour eux, le Cetiom cherchait, avec ces essais en champs, à « vulgariser » cette technique auprès des agriculteurs. Le Cétiom a qualifié cet acte « d’aveugle, incompréhensible et inacceptable ». Le Cétiom affirme : « Cette technique bénéficie pourtant aussi bien à l’agriculture biologique que conventionnelle. Elle est utilisée depuis plus de 50 ans et a été largement développée par la recherche publique comme l’Inra ». Si la technique est effectivement vieille de 50 ans, les VrTH n’ont été cultivées massivement à grande échelle que depuis peu.
Le Cetiom a porté plainte et une première personne a été interrogée par la Gendarmerie. Traditionnellement, les Faucheurs remettent aux gendarmes la liste des participants. Ils avaient omis de le faire pour cette action. Le Cetiom a alors gentiment demandé cette liste et le 9 janvier 2016, une liste d’une cinquantaine de personnes a été remise à la gendarmerie de Vienne (Isère). Les Faucheurs en ont profité pour, à nouveau, souligner que les nouvelles techniques de modification du vivant « risquent de ne pas être reconnues comme produisant des OGM par la Commission européenne qui doit leur donner sur un statut juridique dans les mois qui viennent », selon Annick Bossu, citée par Reporterre [6].