Le pain serait-il moins bon pour la santé ?
Y a-t-il une différence entre les blés d'hier et ceux que la sélection boulangère de ces dernières années privilégie ?
Face à certaines allergies, la question mérite analyse.
Le gluten est le point central autour duquel tourne toute la question du pain. C'est une Protéine, contenue dans les céréales, indispensable pour la fermentation de la pâte. Plus il y en a, plus vite lève le pain. Un pourcentage élevé de gluten de bonne qualité dans le grain donne un blé considéré comme hautement panifiable cela devient en soi un objectif à atteindre certains minotiers payant plus cher les blés à forte teneur en gluten, puisqu'ils accéléreront le travail de la pâte.
Mais le gluten est un allergène redoutable, qui est aussi la cause de nombreuses intolérances, parce que trop irritant pour les intestins' Le professeur Jean Seignalet, dans son ouvrage" L'Alimentation, la troisième médecine, préconise de supprimer de l'alimentation toute céréale contenant du gluten (blé, seigle, orge, avoine).
Un sujet à controverses :
Il semble cependant que l'on ait trouvé un début de réponse aux problèmes posés par le gluten. En effet, pour répondre à des objectifs technologiques, la sélection boulangère de ces dernières années a privilégié surtout des blés contenant de plus en plus de gluten, et en particulier un gluten riche en gliadines, qui sont des grosses molécules' « La sélection officielle privilégie les blés dits de force plus riches en protéines, mais ils résistent plus à la mouture' Leur amidon est alors cassé, il ne prend pas l'eau de la même façon, et se polymérise », explique Jean-François BERTHELOT, paysan boulanger dans le Périgord, membre du réseau Semences paysannes « De Plus en Plus de gliadines, de plus en plus résistantes »de plus en plus polymérisées.
C’est l’addition de ces 3 facteurs qui expliquerait que les blés d’aujourd’hui provoquent plus de problèmes d’allergies que les variétés anciennes et donc que les pains actuels puissent provoquer des intolérances.
Brigitte Fichaux diététicienne, explique que certains de ses Patients qui souffrent de Problèmes de Peau ou de digestion, voire d'arthrose ou de stress ont supprimé le blé (froment)
« Et j'ai de très bons résultats. En revanche le pain d'épeautre ou de seigle ne leur posent pas ces problèmes ».
Elle suit de près les travaux du réseau Semences Paysannes,
« parce qu'effectivement dans les variétés anciennes, les glutens ne sont pas les mêmes. il faut maintenant faire des tests pour vérifier tout cela ».
Elle se veut très nuancée .
« on ne peut pas généraliser ! »
Le blé ne pose pas de problèmes à tout le monde. En revanche les adultes qui accumulent les problèmes de santé peuvent essayer de supprimer les blés modernes voire d’introduire des variétés anciennes à la place... Chaque individu est différent, il y a des gens auxquels le pain réussit très bien, d'autres non ! »
Les blés peu riches en gluten sont dits peu panifiables.
« ll vaudrait mieux dire moins mécanisables, rectifie Jean-François Berthelot. C'est vrai qu'ils ne vont pas pour les machines, ils font souvent des pâtes collantes, qui n'ont pas assez de force. Mais un boulanger qui pétrit à la main sait comment redonner de la force à une pâte, il suffit de lui donner quelques tours, comme à une pâte feuilletée !»
L'avantage des vieilles variétés de blés, outre le fait qu'elles puissent être moins allergisantes, c'est aussi la palette de goûts différents qu'elles apportent aux pains.
« On en a essayé certaines qui sont fabuleuses ! Le blé de Redon, par exemple, donne un goût de pain d'épices et de miel, même 20g dans une pâte suffisent... Pour nous, les variétés anciennes sont des variétés d'avenir, elles ont des possibilités d'évolution variétale fantastiques. Elles se comportent bien sur des petites terres et s'adaptent aux conditions dans lesquelles on les fait vivre, contrairement aux blés modernes qui sont très contraignants. »
Si pour l'instant, quelques paysans conservent certaines vieilles variétés dans des parcelles, elles ne peuvent pas encore être vraiment commercialisées.
« Elles ne sont pas développées assez, on n'a pas assez de semences... »
Et surtout, elles ne sont pas référencées au catalogue officiel des semenciers, et sont en quelque sorte hors-la-loi ! Voilà un nouveau combat que le réseau Semences paysannes entend bien mener...
pour en savoir plus :
- « Semences paysannes, pour la biodiversité des semences et plants
dans les fermes» : contaÇt Hélène Zaharia.lél./tax: 05 63 57 99 42.
E-mail : semencepaysanne@wanadoo.fr
- Revue Nature et Progrès n"43 (sept.- oct. 2003), « Les paysans
boulangers ». L'article traite des semences paysannes de blés
panifiables, des problèmes liés au gluten, suite aux « Rencontres »
organisées par le producteur et boulanger bio breton Nicolas Supiot.
V. B.-R.