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12 novembre 2016 6 12 /11 /novembre /2016 08:30

Bayer et Monsanto, en fusion mais démunis face au changement climatique

11 NOVEMBRE 2016 PAR ANNIKA JOERES (CORRECT!V)

Avec le rachat de Monsanto, le géant allemand des pesticides, Bayer, s’apprête à asseoir sa domination sur le marché mondial de l’alimentation. Cependant, aucun de ces deux groupes ne possède de semences qui contrecarrent le changement climatique. Les scientifiques tablent pourtant sur le fait qu’un réchauffement global de la planète menace de 10 à 50 % de la récolte annuelle.

À l’avenir, le changement climatique sera un critère décisif concernant les bonnes et mauvaises récoltes. « Lorsque la température augmente d’un degré, le rendement du blé baisse de 6 % », pronostique Frank Ewert, chercheur en agronomie à l’université de Bonn. Ce scientifique allemand ajoute que cela correspond à 42 millions de tonnes de blé, l’un de nos produits alimentaires de base. La production annuelle de cette céréale avoisine les 800 millions de tonnes à travers le monde. 

L’Office européen des brevets a accordé plus de 2 000 brevets concernant des plantes génétiquement modifiées. Monsanto et Bayer font presque tout pour augmenter le rendement du maïs, du blé, du coton et des tomates et pour accroître leur résistance aux herbicides. C’est à la loupe qu’on doit chercher les nouvelles espèces qui bravent le changement climatique.

Parmi les 132 denrées alimentaires génétiquement modifiées déposées à l’Institut fédéral d’évaluation des risques, qui dépend du ministère allemand de l’agriculture, et pour certaines déjà autorisées à la vente, une seule concernait une sorte de maïs résistante à la sécheresse. « Bien sûr que, chez Monsanto, nous explorons la manière dont les plantes tolèrent mieux la chaleur ou les sels, c’est très important pour nous, déclare le porte-parole de Monsanto, Thoralf Küchler. Mais sur ce point, il n’existe pas encore de produit commercialisable. » C’est également le discours de Bart Lambert, directeur de recherches chez Bayer CropScience. Cependant, lui et ses collègues ont étudié la façon dont les plantes résistaient à l’augmentation du stress climatique. « Mais nous en sommes encore au début. »

Jusqu'à présent, Monsanto et Bayer se concentrent presque uniquement sur le développement de semences hybrides et génétiquement modifiées. Parce que la technique est maîtrisable : la résistance à un herbicide est programmée sur un seul gène. Et parce qu’ainsi, les graines développées sont brevetables et appartiennent au groupe, qui peut ensuite les commercialiser à long terme.

Et pourtant, la génétique échoue à tenter de prémunir les plantes contre le changement climatique. Des propriétés telles que la tolérance à la chaleur et le faible besoin en eau sont inscrites à de nombreux endroits du génome et ne se transmettent pas aisément. « À titre de comparaison, il est facile de rendre une plante résistante à un poison ou de faire grossir son épi, ses semences ou ses fleurs », raconte Bart Lambert. A contrario, il est bien plus complexe de renforcer les plantes contre des températures plus élevées, contre un trop-plein ou un manque de précipitations : pour ce faire, on devrait modifier beaucoup de gènes.

Bart Lambert travaille chez Bayer CropScience dans la ville belge de Gand, où plus de 400 biologistes, généticiens et bio-informaticiens effectuent des recherches sur de nouvelles cultures. Ici bat le cœur de la recherche de Bayer sur les semences. Les espèces développées finiront par atterrir un jour dans nos sacs de courses ou sur nos assiettes.

Le laboratoire rappelle un hôpital où l’air est chargé d’effluves de produits de désinfection. Dans des milliers de boîtes de Petri poussent des plants de soja et de coton, au sein de bouillons de culture. Des chercheurs en blouse blanche les nourrissent à l’aide de pipettes. À ce stade précoce, les plantes ne ressemblent alors qu’à un grumeau blanc de la taille d’une lentille. Parmi elles, peu survivront : elles continueront alors à être développées et devront un jour faire preuve d’un plus grand rendement que leur plante mère. Ou bien survivront si on les vaporise d’herbicide.

Monsanto s’est spécialisé dans les pesticides. Développé par la firme, le maïs Smartstax+ est par exemple résistant à deux herbicides et produit à lui seul sept poisons insecticides. Au total, Monsanto possède à l’heure actuelle quelque 190 brevets : la plupart portent sur des plantes génétiquement modifiées telles que le maïs et le soja – seuls trois d’entre eux ne les concernent pas.

Les tentatives du groupe de s’enraciner dans le programme « Maïs économe en eau pour l'Afrique », dans les régions chaudes du continent, en sont encore aux prémices. Et font l’objet de critiques. Depuis le début, des agronomes africains soulèvent le fait qu’en cas de grosse chaleur, le maïs génétiquement modifié occasionnerait même un rendement inférieur à celui engendré par les espèces traditionnelles.

Bayer s’est spécialisé dans la génétique et la fabrication d’espèces hybrides. La plupart du temps, les nouvelles plantes ont effectivement un meilleur rendement et leurs fruits sont plus uniformes. Mais d’un autre côté, leurs graines ne peuvent pas être semées d’une saison à l’autre et doivent alors à nouveau être achetées auprès de Bayer.

Avec le changement climatique, la culture sélective apparaît à nouveau importante aux yeux de nombreux observateurs. Ce principe est connu depuis des millénaires : après chaque été chaud, on récolte les fruits les plus gros et sains, sur un plant de tomates, par exemple. On sème alors leurs graines dès le printemps suivant. À chaque génération, les plants s’accommodent ainsi de mieux en mieux à la chaleur.

De telles espèces sont plus robustes que celles qui sont maintenues dans un unique but de rendement, explique Garlich von Essen, secrétaire général de l’Association européenne des semences. Il représente des groupes comme Bayer ou Syngeta, mais également des groupes familiaux plus petits. Avec la culture sélective, ces derniers peuvent à nouveau être avantagés, croit savoir Garlich von Essen. « Ce sont justement ces petites entreprises qui travaillent à la recherche sur la tolérance au climat et qui développent des espèces pour des marchés régionaux spécifiques. » Pour lutter contre le changement climatique, même l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) encourage les agriculteurs à développer des semences autonomes, locales et régionales, directement adaptées à leurs environnements immédiats.

En Europe du Sud, les paysans souffrent d’ores et déjà d’étés chauds et secs. C’est la raison pour laquelle la culture du millet y connaît une véritable renaissance. Car une fois qu’elle a éclos, cette plante se contente de peu d’humidité. Un inconvénient : son amertume. Mais il existe des essais prometteurs pour la supprimer au sein de la variété, selon Martine Dugué, de l’association Terra Millet« Jusqu’à présent, le millet n’intéressait pas les groupes industriels car il ne nécessite ni engrais, ni pesticides », déclare-t-elle. Elle ajoute que le millet possède un gros potentiel.

En effet, les possibilités de concevoir une alimentation en accord avec le changement climatique sont encore loin d’être épuisées. D’après le FAO, il existe quelque 25 000 sortes de plantes comestibles, parmi lesquelles seulement une trentaine sont cultivées de manière intensive. L’offre de Bayer et Monsanto est encore plus restreinte. Bayer se concentre sur le blé et le soja, Monsanto sur le soja et le maïs. D’un point de vue climatique, c’est peu engageant pour l’avenir : le blé, le soja et le maïs sont des plantes très exigeantes en eau.

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