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Des forêts et des hommes
En Bourgogne, un groupement se démène pour la sauvegarde des feuillus du Morvan.
Pour contrer l’invasion des résineux, il rachète des hectares de forêts.
PHOTOS CLAIRE JACHYMIAK POUR LA VIE
LUCIENNE HAÈSE, fondatrice du GFSFM : « Les citoyens doivent agir pour interpeller les décideurs. Nous prouvons l’efficacité de l’action commune. »
THIERRY COLIN, cofondateur du GFSFM : « Notre gestion proche de la nature est rentable, mais nous ne versons pas de dividendes à nos membres. »
CYRIL BRULÉ, architecte morvandiau :
« Je refuse de me plaindre de l’enrésinement et la coupe rase de nos forêts sans agir concrètement. »
Les forêts feuillues traditionnelles du Morvan sont menacées. Dans ces paysages forestiers aux verts nuancés, les aiguilles des sapins remplacent désormais les étendues de hêtres, de chênes
et de merisiers. Coupes à blanc de ces derniers, vente au plus offrant et plantations d’arbres résineux : tel semble être le sort des forêts régionales. « C’est un désastre pour l’écologie, déplore Lucienne Haèse, cofondatrice du Groupement forestier pour la sauvegarde
des feuillus du Morvan (GFSFM). Comme les sapins poussent plus vite, de nombreux propriétaires en plantent, espérant obtenir un important rendement économique. »
Mais semés en monoculture et traités aux pesticides, ces sapins provoquent une acidification des sols et une perte de biodiversité. « Les arbres n’ont pas vocation à être uniquement utilisés comme ressource énergétique », s’insurge Thierry Colin, l’autre fondateur du GFSFM.
Créé en 2003, ce dernier a empêché le rachat de la forêt de Montmain, à Autun, par des investisseurs étrangers à la commune. Après une campagne acharnée, à coups de pétitions citoyennes, le groupement s’est vu octroyer 32 ha du domaine. Les 240 ha restants
sont devenus propriété de la mairie d’Autun et d’un troisième acteur local, avec lesquels le GFSFM a passé un accord de gestion écologique.
Propriétaire au total de 15 forêts, soit 230 ha répartis sur quatre départements, le groupement ne compte pas s’arrêter là : « Nous voulons continuer d’acheter des forêts, même au-delà du Morvan », détaille Lucienne Haèse.
Un autre cas, celui de Villiers-en-Morvan, est symbolique du rapport de forces de cet univers opaque. « Nous avons appris que la forêt qui englobe notre village allait être rachetée, se rappelle Cyril Brulé, l’un des habitants. Alors, nous, les quelques 50 habitants, avons investi dans le groupement, qui a pu racheter 5 des 300 ha. » Les villageois et les 500 autres souscripteurs se retrouvent une fois par an pour l’assemblée générale du GFSFM.
Au programme, conférences, repas bio et... balade en forêt, bien sûr.
« C’est important que les personnes se sentent concrètement impliqués, insiste Lucienne Haèse. Ils n’ont alors qu’une seule envie : persévérer ! »’
POUR EN SAVOIR PLUS
Groupement forestier pour la sauvegarde
des feuillus du Morvan (GFSFM),
1 rue des Pierres, BP 22, 71400 Autun.
www.sauvegarde-forets-morvan.com
OLIVIER LEVRAULT
LA VIE
20 AOÛT 2015 11
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